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Oh My Grindr: Le Pire De 2016

Publié le par Dorian Gay

En mars cette année, j'avais publié un billet assez facétieux qui avait pris pour cible ces ovnis sur cette pléaide d'applications de rencontres (e.g. Grindr, Scruff, Tinder, Hornet et autres joyeusetés) et de réseaux sociaux, qui souvent nous agacent et parfois nous font sourire.

Tout au long de l'année, j'ai continué à compiler toutes les conversations (tristement) extraordinaires que j'avais, bien souvent, assez rapidement écourté ainsi que ces captures d'écrans de profils effarants aussi bien par leur forme que leur contenu.

Et autant le dire tout de suite... l'année aura été riche.

L’Ultra Connecté

Il ne vous connait pas mais il vous aime déjà. Il vous fait confiance. Il veut devenir votre meilleur ami. Il partage tout sans pudeur et retenue. Grindr bugge ? Oh ce n’est pas bien grave, son profil énumère toutes les autres plateformes où il vous invite à le retrouver afin de continuer à discuter de l’impact de la fiscalité climatique sur les petites exploitations agricoles, ou échanger des photos plus explicites de culs postérieurs offerts et de bites verges turgescentes.

Ce n’est pas le choix qui manque : son Snapshat, des liens vers son compte Twitter, Instagram ou sa page Facebook. Pour les amateurs de conversations orales, son numéro de téléphone portable est aussi public que les toilettes de Roissy-Charles de Gaulles une veille de jour férié.

L’ultra connecté est comme cet individu que l’on retrouve généralement dans tous les films d’épouvante. Vous savez celui qui entend du bruit à la cave et décide d’aller voir, seul, en pleine nuit, ce qui se passe alors que tout le monde se terre tant bien que mal sous un meuble. Si, si, je suis certain que vous voyez – vous savez le même qui va décider d’affronter, muni de son ouvre-boîtes et d’une spatule le tueur en série au lieu de fuir par la porte entrouverte de la maison. Ces individus bienheureux débordant d’insouciance et de naïveté qui sent le chewing-gum à la framboise acidulée.

 

Le Business Man

Pour lui, Grindr est comme tout autre outil de commerce en ligne peuplé d’homosexuels au fort pouvoir d’achat, vraisemblablement. Il n’a que faire de vos envies pressantes du jour, ni des photos de vos attributs dont vous semblez apparemment fiers. Il est là pour faire du business, faire du chiffre. Il a tout compris.

Comme cette vendeuse souriante Sephora qui, sans requérir votre accord, vous arrose d’un parfum âpre et lourd dès que vous avez le malheur de franchir la porte du magasin et vous récite un « bonjour, vous avez testé cette nouvelle création ? -20% en ce moment dans le magasin, bonne journée ! », le business man a toujours quelque chose à vous proposer. Des invitations à des soirées privées, une réduction quelconque, des sous vêtements (true story), du poppers ou des accessoires érotiques de tout genre ou même parfois des produits de son propre « travail » garanti Made in France… pour les amateurs de substances corporelles et dérivés…

Le Gold Digger

Il y’a un certain nombre de similitudes entre le règne des humains et celui des oiseaux. Certains rampent, traînent, inélégants sur le sol, d’autres marchent avec plus d’assurance. D’autres encore, volent, virevoltent dans le ciel, dessinant de belles arabesques. Certains, enfin, planent dans les hautes couches de l’atmosphère et se laissent porter par les courants, tels des vautours gracieux. Le Gold Digger en fait partie.

Il ne tolère que le meilleur, que l’excellent, que le grain le plus fin, que la mousse la plus légère. Si vous n’avez rien de tel à lui proposer, faites votre chemin et ne lui perdez pas son temps. Précieux est son temps, précieux doivent être vos attributs si vous gardez l’espoir qu’il vous jette un battement de cil, comme un os à ronger qu’on consent à donner à un chien qui finit par le mériter.

Il souhaite être avec quelqu’un qui comprenne et estime avec justesse la valeur de son intérêt et de sa compagnie. Cette estime devra, préférablement, prendre la forme de tout cadeau matériel ou en numéraire, si possible, récurrents, et d’une dévotion pleine et entière.

Les prétendants seront nécessairement bien établis, généreux et affectueux, mûris par l’âge et l’expérience. Une maladie incurable, l’absence de toute descendance ou un âge très avancé seront particulièrement appréciés.

Le 18-21 ans Max

A 22 ans révolus, vous êtes devenus irrécupérables. Trop vieux, trop usé. Pour lui, vous êtes ce Lieu Noir à l’œil un peu vitreux dont personne ne veut sur l’étal du poissonier. Il se délecte de la jeunesse, lèche avec appétit ce sang frais couleur rose bonbon qui lui donne l’ivresse du temps qui ne passe pas.

Pour lui, la vie s’arrête après le début de la vingtaine et ses années folles. Tout est perdu, souillé, corrompu. Il aime ce sentiment patriarcal, bienfaisant qui l’anime lorsqu’il tient au bras des éphèbes lisses et poupins. Il glousse, il rit, il a lui aussi le dernier smartphone et les dernières baskets à la mode. Il se sent in, dans la vague, jeune… pour oublier le temps qui passe et son impitoyabilité à son égard.

Rich Daddy

Généralement, quand vous croisez un Gold Digger, vous verrez dans son sillage, marchant avec peine, haletant, tenant à bouts de bras coffrets et présents, un Rich Daddy.

Ces deux là font souvent la paire. Ils sont inséparables et ne vivent d’ailleurs qu’à travers l’autre. Littéralement. Comme les fleurs qui offrent leurs sucs aux abeilles qui en retour consentent à polliniser. C’est le même principe.

Ce que le Rich Daddy a de particulier c’est qu’il n’a pas de visage, il n’a pas de corps, il s’agit juste d’un esprit, d’une conception, d’un ensemble. Il sait que beaucoup de gens n’ont que faire de son dernier selfie à la réunion ou de ses derniers efforts à la salle de sports. Alors il ne s’embête pas. La première photo dont il vous gratifiera sur Grindr sera celle de la piscine de sa maison en Corse, de son bolide rutilant ou encore de son piano Steinway vernis.

Car, comme chantant Madonna, ‘cause everybody's living a material, a material, a material, a material world’ et qu’au fond, ça, il l’a bien compris.

Le Mec Qui S’est Cru Sur LeBonCoin

 

 

 

 

 

 

« Qui a l’Iphone 7 ? », « Ch un Microondes à vendre », « Ch appart », « Cherche aspirateur d’occasion » (true stories) – les exemples ne manquent pas.

Grindr, Hornet et cie donnent souvent l’image d’une cour des miracles mais peuvent tout aussi devenir la cour des bonnes affaires et des occasions à ne pas rater. On vend, on achète, on échange, on troque. Au fond, puisque ces applications n’ont plus à envier à des marchés bestiaux où chacun dispose d’un petit carré personnel de quelques pixels comme vitrine pour se mettre en avant et expliquer pour quelles raisons il mériterait d’être consommé, ce n’est presque que bonne logique que l’on y vende et achète d’autres biens.

Et si, en plus, on peut faire quelques bonnes affaires entre deux fellations et donner une nouvelle signification à des termes comme « plan cave » et mêler bestialité du moment et quelques deals de bouteilles de Bordeaux, moi je dis : yallah. 

Le Mec Qui N’est Pas Là Pour du Sexe (nan mais oh)

 

 

 

Non ce spécimen n’est pas du tout paradoxal. C'est le monde qui l’entoure qui ne le comprend pas : trop binaire. Rien n’est vraiment noir, ni blanc, pour lui c’est plutôt 50 Shades of Grey.

Oui, il n’aime pas les raccourcis faciles, les préjugés et les supposés. Oui, il estime qu’il peut initier une conversation par de suggestives et créatives photos de son sexe en érection, dressé, prêt à éclore et accompagner le tout d’un Emoji ‘bouquet de fleurs’ et d’un « attention, je ne cherche pas de cul hein. J’attends l’homme de ma vie ».

Mais qu’allez vous penser diantre !

Le « Allez Tous Vous Faire F***, Bande de Bât***… Sinon Je Suce Wesh »

 

 

Il n’aime pas beaucoup les gens. Il se sent traqué, jugé, piégé, discriminé. Le monde est un vivier d’injustices dont il est l’éternel victime. La conspiration visant à lui nuire est sourde, il le sait.

Il est un anti-modèle, un trop-plein, un caillou dans la chaussure. Il a besoin d’exprimer sa rage dans le vide abyssal des anonymes : il crie, il exulte, il s’époumone mais personne ne l’écoute. De toute façon, les pédés sont tous les mêmes. Il l’a compris depuis ce jour en 5ème  où il a vu son coup de cœur de collège faire une fellation à Jonathan dans les toilettes de la salle de gym du Lycée. Il s’était alors juré de s’offrir une vengeance grandiose et délicieuse. Un jour, tôt ou tard.

Posture de méfiance ou de défiance, gun à la main. Bam ! il mime de vous tirer dessus. Quoi de plus érotique qu’une photo de lui tenant un revolver pour éveiller vos plus basses pulsions ?

En attendant que ses plans machiavéliques visant au déclin de la population homosexuelle s’accomplissent dans un futur proche, il approche l’ennemi avec fourberie en proposant des fellations. Il recrachera toujours et se lavera toujours les dents après.

Le Mec Pas Raciste Du Tout Qui A ‘Juste’ Des Préférences

 

 

 

Ne vous y méprenez pas, non il n’est pas raciste, il affirme juste ses préférences. Regardez donc, c’est comme vous et moi. Moi, par exemple, j’aime bien le poisson, et bien mon voisin, Thomas, lui n’aime pas du tout. Et bien ça s’appelle une préférence. Et pour ce type de spécimen Grindérien, ça revient à peu près ou même.

« no asiat, no blacks, no albinos, no latinos, no roux foncés, no blonds (couleur PANTONE 00-12 à 00-14 tolérés néanmoins) » ou « mec blanc uniquement, non circ » n’expriment pas le rejet pour lui. Il estime que c’est comme préférer le vin blanc au vin rouge ou Samsung à Apple. A peu près le même principe.

Et en plus, il vous dira qu’il n’est pas absolutiste. Il pourrait être, dans l’absolu tenté par de l’exotisme mais bon… « un asiat ou un black aux cheveux lisses, blonds, au nez droit et fin et aux yeux bleus, il y’en a pas beaucoup. Oh fichtre, trop nul… la nature est t.e.l.l.e.m.e.n.t. mal faite :-/ »

 

Le « Sauf Si Tu Es Vraiment Canon »

Ce spécimen est un cousin éloigné du spécimen décrit précédemment. Il a par principe des certitudes et des préférences. Mais… mais… Attention… lui n’est pas discriminant, encore moins raciste ou communautariste – lui est à dans l’absolu ouvert à toute la diversité qui l’entoure.

Il veut bien humer, goûter, toucher, caresser du regarder toutes les richesses qui s’offrent à lui.

Le principe est là, mais l’exception est donc possible.

-Plus de 40 ans ? En principe c’est non. Black/Asiat ? en principe c’est non.

-Sauf si vous êtes vraiment canon. Parce qu’alors vous êtes différents. Et qu’il est important de la cultiver, la différence.

Le Mec Qui Utilise des Foodpics

Je dois vous avouer que j’ai un peu de mal à le comprendre celui là. Ou du moins j’admets que j’ai un peu de mal à cerner la finesse de son mode de communication ? où veut il en venir ?

Est il si fier de ses talents culinaires qu’il estime que l’humanité devrait en apprécier l’étendue ? Est il boulimique ? A-t-il vécu la famine en Somalie de sorte que, traumatisé, il se rassure par des images apaisantes de nourriture ? veut il attirer des bons vivants ? On dit souvent en Afrique que pour satisfaire un homme, il faut combler l’appétit du ventre et du bas-ventre.

Comme on jette des graines aux pigeons pour les attirer, peut être tente t’il de faire venir à lui les bouches égarées par de jolies photos de tourtes et de gratins ?

Je m’interroge.

Le Binaire

Son vocabulaire est extrêmement limité. La légende populaire dit qu’on aurait déjà observé un spécimen dans les années 1980 qui arrivait à utiliser, au quotidien et sans trop de difficultés, près de 4 mots ! Oui, quatre ! un miracle scientifique à l’époque.

Depuis, la plupart des spécimens observés, notamment sur les applications de rencontres continuent à utiliser un vocabulaire assez primitif composé de deux mots.

Des scientifiques américains seraient en train d’essayer d’établir une communication plus riche et plus complexe avec cette espèce en utilisant des stimuli électriques.

Une affaire à suivre donc.

 

Le ‘Je Me Décris En Détail’ Mais Je N’ai Pas de Photos

« brun, 1m83, 65 kilos, yeux verts, pointure de 42, mains de 8, barbe de 3 jours parsemée de quelques poils châtains, pieds grecs, léger embonpoint, nez assez droit, pommettes assez hautes et front peu large ».

Ce spécimen est un redoutable adversaire au Time’s Up et au Trivial Pursuit. Un conceptuel ! Un Abstractionniste !

Le ‘Photos Par Mail’

Faut il encore le présenter celui là ?

Le Schizophrène

Non, je ne commenterais pas celui-là.

 

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Loser Like Us: Mes Pires Rencards

Publié le par Dorian Gay

Les rencontres, les dates, les rencontres, les rencards, tête-à-tête, peut importe comment vous les nommez, ils s’initient généralement de la même façon, il y’a un point d’ancrage initial : un doigt qui glisse de la gauche vers la droite sur Tinder, une conversation atypique ou engageante sur Grindr, Hornet ou toute autre application ou site de rencontre du même acabit, une rencontre fortuite ou encore l’œuvre d’un entremetteur aux faux airs d’un cupidon du 22ème siècle.

Des tête-à-tête j’en ai eu un nombre incommensurable. Des visages, des voix, des particularités, des histoires à chaque fois différentes et tout autant de verres vidés, de regards tantôt appuyés, tantôt fuyants, d’éclats de rires et de silences lourds et âpres, tantôt de destins croisés le temps d’une soirée.

Je me souviens d’une période relativement récente de ma vie, pendant laquelle, ivre de ma propre jeunesse ou tout simplement acculé par une solitude déniée, j’avais un rencard presque chaque soir avec un homme différent, qui m’attendait inexorablement dans le même bar, un verre de vin frôlé du bout des doigts dans lequel flottait son histoire personnelle, ses aspirations, ses envies et ses démons.

On s’asseyait, on devisait, on racontait, on écoutait, on séduisait. J’écoutais beaucoup. J’écoutais plus que je ne racontais. On aurait presque dit que ces entrevues étaient pour moi un divertissement au même titre qu’un bon film après le travail ou la pièce de théâtre que l’on va voir en fin de journée. Sauf qu’à la différence de compositions et de représentations fictives, j’étais aux premiers rangs de pièces de vies complexes, animées d’êtres faits de chair et de sang et aux tourments et aux joies bien réelles.

Souvent, ces rencards se terminaient dans le claquement d’une bise et le chuchotement d’un « à bientôt » ou, « je te rappelle ». Plus rarement, ils se concluaient par des ébats plus ou moins réussis puisqu’il faut bien vivre et que le sexe c’est bien vivre. Encore plus rarement, les rencards donnaient lieu à d’autres rencards avec le même garçon et ces entrevues sporadiques tissaient un lien plus ou moins durable.

 

Maintes fois, il s’agit de purs fiascos qui seront l’objet de billet dont je dois l’inspiration à J. & Les Hologrammes.

Tout d’abord, il y’a l’anxieux maladif

Nous avions discuté plusieurs jours avant de se consentir à se rencontrer autour d’un cocktail dans le 11ème arrondissement de Paris. Le dialogue virtuel que nous avions entretenu était alors pétillant, enjoué, léger et rien ne présageait du désastre qui allait suivre.

Rendez vous était fixé au China, Rue de Charenton à 21 heures. C’est un lieu que je propose assez régulièrement. J’avais enfilé à la hâte un t-shirt rouge pourpre qui laissait deviner avec subtilité le torse que je m’étais évertué à sculpter à la salle de sport que je fréquentais alors assidûment. Ce même jean noir près du corps que j’use bien trop vite à le mettre trop souvent. En retard, je me suis engouffré dans la porte d’un Uber pour les 5 minutes de trajet qui séparaient le lieu de la rencontre de mon appartement.

21h, il m’informe qu’il part de chez lui et qu’il a du retard. Je commande un cocktail, un mai tai, toujours le même, qu’ils servent avec des morceaux d’ananas et une myrtille, toujours une, qui croque sous les dents en millions d’étincelles acidulées.

Je ne m’impatiente pas. J’observe. Les gens, enveloppés dans une lumière rouge, chaude, tamisée, chimique. Le brouhaha, les rires qui s’élèvent. Le jeune couple assis à ma droite, visiblement à leur première rencard paraît gêné, maladroit. Leurs regards ne font que se frôler, glisser l’un sur l’autre. Les mains se grattent, les gorges se raclent, les ongles crissent nerveusement. Je souris.

21h30, il finit par arriver. Je le reconnais spontanément. Il a un physique assez atypique, (très) grand, longiligne, une tignasse rousse, une peau parfaite. Il est nerveux.

Il s’installe à ma table après des salutations assez sommaires. Il ne décroche plus un mot, littéralement. Je fais la conversation, enchaîne les questions auxquelles je finis par répondre moi-même. Il finit par siffler près d’une vingtaine de minutes plus tard:

 

-Je suis vraiment désolé, je n’arrive pas à me calmer… j’étais très en retard. Je déteste être en retard… surtout pas pour le premier rencard…

-Ah non mais ne t’inquiète vraiment pas ! je n’ai absolument aucun problème avec ça !

-Oui mais bon… et en plus j’ai tâché mon manteau dans la hâte…

A moi d’être concerté par les effluves d’angoisse futile qui émanaient de mon rencard. Une demie heure de retard et quelques tâches peu rebelles n’avaient jamais tué personne et ne valaient surtout pas que l’on s’y attarde toute une soirée. Mon rencard ne semblait pas envisager les choses avec autant de légèreté. Les minutes passaient, tout aussi silencieuses et lourdes.

 

-Je suis désolé, je n’arrive pas à ne pas m’en vouloir… et je vois bien que cela te met mal à l’aise et cela me rend davantage désolé et mal à l’aise et ça devient un cercle vicieux

-Ah… ha…

Du coin de l’œil je vérifiais le fond de mon verre et anticipais une fine stratégie pour mettre fin au fiasco. De mon éducation, j’ai retenu quelques principes comme celui de ne pas rompre avec brutalité les rencontres. Préserver les apparences et la cordialité, toujours. Sauf que, ce soir là, agacé par ce que comportement que je trouvais indigne d’un trentenaire bien dans ses pompes, j’étais décidé à lui annoncer sur un ton sec que cela était absurde et ne mènerait visiblement à rien et disparaitre dans la nuit en claquant mes souliers vernis.

 

J’ai croqué les glaçons au fond de mon verre.

 

On commande l’addition ? ai-je dit, en sortant ma carte bleue

Pendant les 5 minutes de trajet qui séparaient le bar de la station de métro la plus proche, Monsieur est devenu soudainement plus volubile comme pour combler dans les derniers instants tout le silence qui a précédé. Je marchais d’un pas rapide, hochant la tête à ses propos et prononçant quelques onomatopées pour exprimer un intérêt factice. Arrivés à la station de métro, lui de demander dans un sourire naïf et incompréhensible : on se revoit quand ?

Le mégalo 

Je ne sais pas si c’est mon aura particulière qui attire les garçons narcissiques et très autocentrés ou s’il s’agit du fruit d’un malheureux hasard, mais le constat reste que beaucoup de mes rencards ratés furent partagés avec ce type d’individus.

Il y’a eu notamment Michele, 30 ans. Beau, il le sait, nous le savons, tout le monde le sait. Il a cette eleganza italienne, cette classe quand il passe ses doigts fins dans ses cheveux bruns parsemés de poivre. Ce sublime accent du sud de l’Italie quand il s’exprime en anglais, agitant ses mains en arabesques envoutantes, ponctuant ses propos, comme tous les italiens.

Nous étions dans un charmant petit café dans le centre de Londres. Il me parle, il me parle, il me parle. Il évoque sa passion pour l’opéra, il me dit qu’il chante aussi. Il me décrit sa carrière à son apogée en tant que PDG d’un grand groupe de loisirs. Il me conte ses vacances, ses sorties, ses amis, son appartement, son chien, sa salle de sport, sa vie.

 

Poli, j’écoute et j’attends qui daigne compléter sa logorrhée par un « et toi ? ».

 

Excédé par un échange unilatéral interminable mais toujours élégant, j’ose un « could we have the bill please ? we’ll split, thanks »  avec un sourire et un doigt tendu vers la serveuse qui m’adressait un sourire en retour qui semblait dire : « I feel you love, I feel you »* (je te comprends… je te comprends…).

Le matin alors que je dévore deux croissants et un verre de jus d’orange frais, mon téléphone vibre sur la table en métal : « I loved our drink. When are we meeting up again »* (J’ai adoré notre rencontre, quand est que nous revoyons ?)

Doigt de la droite vers la gauche sur le téléphone. *Corbeille*. *Voulez vous vraiment supprimer cette conversation ?*

*Oui*

Il ne me reste plus beaucoup d’oranges fraîches pour un autre verre de jus pressé.

Le snob-schizophrène qui a un avis sur tout

-J-0, 1 heure plus tard « c’était super à renouveler ! » ce à quoi j’assénais un franc « ah bon ? je dois t’avouer que je suis surpris… »

-J-0, 22 heures : « bon… bah… bonne soirée hein » volontairement non suivi d’un « à bientôt »

-J-0, 21-22 heures – ce jeune homme plutôt beau, plutôt intelligent et plutôt vif m’agace minute après minute. J’aurais du deviner que les choses n’étaient pas de bonne augure lorsque, dès qu’il s’est agit de chercher un bar pour notre premier tête-à-tête, Nicolas m’a dit « oui mais pas là car c’est pas bio, pas là car c’est « mal » fréquenté et pas là non plus car je ne cautionne pas la philosophie du lieu ». On finira par trouver un consensus.

 

A peine installés, il est mal à l’aise. Il n’accepte pas de laisser le casque blanc de son scooter par terre et insiste auprès d’un serveur pour avoir une chaise supplémentaire sur laquelle déposer son bien précieux. Maniaque.

Je ne le prierais pas longtemps avant qu’il me décrive son curriculum vitae : Sciences Po, Ecole des Mines, Chercheur. « Et toi ? »

Je répondrais « ah moi, avocat en début de carrière ».

« ouais c’est pas mal… j’ai quelques amis dans le milieu ».

 

Il me décrit ses engagements associatifs. Tuteur bénévole dans une banlieue du nord francilien, « parce que aider ces gens c’est nécessaire ».

Puis entre deux gorgées de thé, il s’offusque de tout : de l’UBERisation, du service de livraisons de plats à domicile, du climat fiscal, de la mauvaise qualité des meubles en conglomérat, de l’inutilité des métiers juridiques et j’en passe…

La conversation devenait contentieuse, électrique. J’ai du tempérament et j’aime affirmer et défendre mes idées, notamment contre l’absolutisme, le généralisme et un savoir factice qui cache des approximations et des facilités.

Les gens qui, à 25 ans, sont pleins de certitudes, de vérités, d’entièretés, m’exaspèrent, me fatiguent ou me peinent.

Assis à notre droite, un groupe de jeunes dont l’un d’eux a une voix grave, un coffre puissant, qui résonne à chaque éclat de rire jusqu’au profond de nos os. Un baryton qui s’ignore.

Au début le volume de ses rires impressionne, gêne, les tables voisines jettent des regards inquiets ou agacés. Je m’en amuse. Mon rendez-vous lui fulmine et n’arrête pas de jeter au malheureux des regards sévères pleins de dédain qui semblaient murmurer :  « mais tenez vous bon sang ! ».

Nous finirons par payer l’addition au prorata des sommes engagées par chacun.

J’en sors, persuadé que nos joues se frôlent pour la dernière fois alors que nous nous disons au revoir. Sur le chemin qui me ramène chez moi, je m’efforce d’oublier ce moment comme si je pouvais prétendre que tout cela n’était point arrivé et que j’avais passé ma soirée à errer dans les rues enchanteresses de Paris et non en si mauvaise compagnie.

-J-0, 1 heure plus tard « c’était super à renouveler ! » ce à quoi j’assénais un franc « ah bon ? je dois t’avouer que je suis surpris… ».

Le mythomane

Il est mielleux, il dégage une certaine assurance. Il sourit et affiche des dents d’un blanc immaculé. Couleur javel. Ses mains sont moites mais disciplinées. Son regard se plonge dans le votre, direct, franc, incisif.

Il affirme : « oui, je travaille dans l’import et l’export de produits, j’ai beaucoup de responsabilités, etc ». C’est pourtant gauche, plastique.

Il continue tout au long de notre rencontre de décrire une vie qui n’est visiblement pas la sienne. Il essaie de se faire maître d’une vie fantasmée, illusoire. Je hoche la tête comme pour donner un peu de poids à ses fausses vérités. Ça le rassure.

A l’écouter, il passe sa vie entre deux avions, un smartphone à chaque main, à négocier en cinq langues des deals entre Singapour et Saint-Barth. A le croire, il est amateur de belles choses, de culture et de luxure. A l’entendre, il connait tout Paris et tous les lieux qui valent la peine d’être connus.

Je soupire. Au fond de moi je suis triste de devoir à l’avenir éviter d’acheter mon vin au Nicolas du Boulevard Saint Germain où je savais qu’il travaillait jadis. Mais lui ignorait que j’avais les clés de sa «  vraie » vie et que j’en connaissais la couleur. Je hoche à nouveau la tête.

Le désorganisé

 Je suis ponctuel. Souvent. Presque tout le temps. Nous avions convenu d’un rendez vous à 17 heures à l’Institut Suédois à Paris. Il est Suisse, il est diplomate. Deux circonstances aggravantes. Je ne pouvais encore moins comprendre comment il pouvait avoir plus d’une heure de retard.

Je l’avais attendu au chaud d’abord, un thé fumant entre les mains. J’essaie de l’appeler afin de savoir où il se trouve. Il m’annonce un léger retard et que son téléphone n’a presque plus de batterie. 20 minutes plus tard je tente à nouveau de le joindre. Une gentille femme à la voix métallique m’annonce que le téléphone de mon interlocuteur est éteint.

 

Le mauvais plan.

 

Agacé, je décide de m’en aller et de marcher vers le quai Saint-Michel. Il finit par me rappeler alors que j’approche la fontaine Saint-Michel. Je consens à répondre. Il m’annonce, après quelques mots en guise d’excuses qu’il est en vélo, pas très loin de la fontaine et m’invite à l’y attendre.

Echaudé, j’accepte néanmoins. Je n’aurais pas du. J’ai le désagréable défaut de ne pas me défaire de mes frustrations rapidement. Je rumine, je ronge, je fume avant que le temps fasse son œuvre. Je ne sais pas faire semblant, je ne sais pas composer. Quand je suis énervé, je ne le cache guère.

On commande chacun un café sur une terrasse à Châtelet. Je ne suis visiblement pas très bavard, continuant à ronger mon frein, refroidi par son manque d’égards.

La chaleur du café me détend progressivement les mâchoires et nous échangeons sommairement sur quelques sujets. Il insiste pour m’ajouter sur Facebook. Je cède.

Mais je sais qu’il n’y aura pas de suite.

Le rapide

« Allo ? Le code de l’interphone c’est bien 2588 ? Ah bah super je suis en bas, je monte ».

Je frappe à la porte de son appartement du 14ème arrondissement. L’appartement n’est pas très grand mais décoré avec un goût certain. La nuit se lève. Il me sert un verre de vin rouge. Nous buvons. Il est professeur de Droit, nous échangeons beaucoup et semblons avoir beaucoup de choses à nous dire.

 

Le moment est agréable, la conversation fluide. Puis il commence à me parler de projets… personnels puis… communs.

Il nous imagine déjà en vacances ensemble dans trois semaines. Il me demande si j’aime le 14ème arrondissement. Il me prédit que sa mère adorerait certainement me rencontrer. Il déroule une liste infinie de possibilités bien trop précoces.

Je serre de mes doigts le verre de vin et je déglutis. Je vois notre possible vie à deux décrite avec une précision chirurgicale. J’attends bientôt qu’il me demande si je veux un double des clés de son appartement dès ce soir.

Me sentir étranglé par de possibles responsabilités ou par le dictat du couple est le meilleure stratagème pour me faire prendre mes jambes à coup.

Je suis un lent moi. J’ai besoin de temps, j’ai besoin de mûrir, vieillir avant de pouvoir me considérer comme lié par le couple à quelqu’un. Cet affinage du temps et des sentiments est absolument nécessaire. Sauter les étapes est fatal.

Presque apeuré, j’ai fini par prendre congé de mon hôte et me suis réfugié dans le premier métro, entouré d’inconnus, ivre de liberté.

Le lendemain il m’invitait à un déjeuner chez lui avec sa meilleure amie et son frère….

 

 

 

 

 

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