Sale Pédé

Publié le par Dorian Gay

Sale Pédé

TOUT COMMENÇA AVEC LE JOURNAL D'ANNE FRANK

Avec Eole nous sortons beaucoup – C’était donc un samedi pluvieux, il y’a quelques semaines – nous avions décidé d’occuper notre après-midi au Théâtre Rive Gauche où se jouait la pièce d’Eric Emmanuel Schmitt – Anne Frank, avec le monstre des planches, Francis Huster. La pièce était sympathique mais Eole était bouleversé, il avait passé sa matinée au cinéma où il avait assisté à la projection du documentaire de Sébastien Lifshitz, les Invisibles et m’en a parlé au café où nous nous rendîmes à la fin de la pièce.

De mot en mot, de soupirs en soupirs, de thé en thé, la conversation dévia vers ce sujet de société bien actuel : le Mariage Pour Tous.

Comme je l’avais déjà exposé dans un précédent billet, je me suis toujours tenu à l’écart du débat, évitant d’exposer mes convictions politiques, convictions tout court par rapport à ce droit que j’estimais déjà acquis. Il ne s’agissait pour moi que d’une question de temps, préférant donc adopter une attitude de totale équanimité en attendant et m’amuser des élucubrations et agissements risibles des Anti-Mariage.

Avec le relatif recul, je ne sais pas s’il s’agit d’un reflex de protection ou d’une réelle naïveté. Un peu des deux surement.

DORIAN AU PAYS DES MERVEILLES

Mon monde a toujours été une bulle, une bulle de douceur, de réconfort et de chaleur. Je n’ai presque pas eu à faire de coming out, mon homosexualité se lisant depuis tout jeune sur mon visage, mes choix vestimentaires et mes jouets de fille. Je n’ai jamais eu à me battre ou à souffrir de l’acceptation de ma sexualité par mes proches. Je n’ai jamais eu à prétendre vivre une vie qui n’était pas la mienne.

Je me souviens de ces brunchs familiaux le dimanche où tout naturellement, déjà à 10 ans je parlais à mes proches de ces garçons que je trouvais beaux à l’école. Je ne me souviens pas d’avoir été l’objet de remarques homophobes ou d’un sentiment de rejet, que cela ait été en société ou dans mes études. Jamais. Jamais.

L’homophobie était donc presque chimérique. On pense tout naturellement que l’on vit dans une société civilisée, contemporaine, moderne et décomplexée et l’on renvoie toute homophobie à des temps révolus au mieux, ou à ces gens qui vivent de l’autre côté du périphérique Parisien au pire.

Je ne connaissais pas. Les seules piqûres de rappel étaient télévisuelles par le biais de reportages divers traitant de la problématique. De l’homophobie LCD. De l’homophobie sur papier ou sur écran d’Ipad.

Ce n’est que la semaine précédente, à 21 ans, 4 mois et 11 jours que je vais essuyer mon premier « sale pédé », en plein Paris, à quelques pas du Marais, vers l’Hôtel de Ville, alors que j’attendais Thomas, en retard pour aller diner dans un restaurant pas loin.

Ce n’est que récemment, alors qu’Hugues me rendait visite pour l’apéritif en s’amusant à décoller les affiches de la Manif Pour Tous sur le chemin et se voyant pris à parti et agressé par deux femmes des beaux quartiers endimanchées l’ayant vu faire, que j'ai réalisé que cette homophobie avait un visage et qu’elle pouvait porter des carrés Hermès et des chignons.

Ce n’est que cette semaine, après ces affiches du GUD incitant expressément à la violence, les deux agressions homophobes qui animent nos réseaux sociaux depuis quelques jours, l’illumination de Chantal Jouanno, l’explosion des standards d’SOS Homophobie, le vandalisme contre la voiture de la sénatrice Esther Benbassa et l'espace des Blancs Manteaux où se tenait le Printemps des associations LGBT mais aussi les obstacles aux interventions d'Erwann Binet, que j’ai peur, réellement peur.

Ce n’est que cette semaine, me rendant à la Gare près de chez moi et en y rencontrant ces mêmes gens qui vous livrent votre courrier, qui vous vendent votre baguette de pain le matin, qui vous sourient d’habitude chez le traiteur italien pas loin, qui sonnent à votre porte à Halloween pour vous quémander des bonbons, qui vous envoient des cartes de vœux au nouvel an et qui se préparent, bariolés de bleu et de rose à se rendre à une manifestation contre un droit auquel vous prétendez, contre votre sexualité, contre vous en fin de compte, que l’on se rend compte que les masques tombent et que les langues se délient.

BOITE DE PANDORE ET MORPHOLOGIES

La boîte de pandore est ouverte. Ma bulle aseptisée et javelisée a éclaté. L’homophobie n’a pas un visage, elle en a plusieurs et c’est ce qui l’a rend aujourd’hui encore plus perverse. Elle a des rides parfois, un visage rebondi et poupin souvent. Elle s’habille tantôt en tailleur-smoking ou skets et casquette quand ça l’amuse. Elle peut gagner très bien sa vie et faire partie de l’intelligentsia tout comme elle peut vivre d’allocations et ne pas avoir fini ses études. Elle peut vivre dans les contrées les plus perdues de France tout comme elle peut occuper un appartement en plein Marais. Elle est métamorphe, transversale, pluriforme.

Cette homophobie est institutionnalisée, organisée, financée, médiatisée. Elle se cache derrière des couleurs pastels rose et bleu et des visages souriants d’enfants qui manifestent. Cette homophobie a une représentante officielle à qui le blond ne va pas du tout. Cette représentante qui porte très bien son quolibet, qui avant m’amusait et me révulse aujourd’hui. Illuminée crasseuse, narcissique, mondaine des bas-fonds et opportuniste de la première heure qui ne voit en cette situation qu’une occasion de se mettre sur le devant des projecteurs et d’une pseudo scène politique et de vendre des livres car les apéros au Ritz commençaient à l’ennuyer à l’amorce de sa ménopause. Celle-là même qui ne mesure pas la portée de ses actes, et dont le nom sera pour toujours marqué du sceau peu flatteur de l’obscurantisme, du remugle et de la décomplexification de l’homophobie. Au fond, j’espère qu’elle profite de ce moment de gloire, et j’espère vraiment que cette bonne dame a réellement la bêtise qu’on lui reconnait, car c’est le meilleur voile pour apaiser sa conscience et faire des nuits complètes.

J’en veux aussi aux responsables politiques – ceux là – tantôt molletons ou silencieux devant ces appels clairs à la violence – et qui font stagner le débat, resté bien trop longtemps au premier plan des préoccupations politiques. Rappelons que, tout comme le racisme, l’homophobie n’est pas une opinion, c’est un délit. Juriste et Gay, je ne peux qu’être choqué à double titre devant tant de placidité, tant de haine cautionnée.

J’en tire cependant quelque chose d’éminemment positif : le travail de l’histoire et du temps qui passe – ce travail impitoyable, inexorable et intransigeant qui saura, comme il l’a toujours fait, faire la part des choses, et à ce jeu-là, l’opportunisme et la haine ne paient jamais.

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S
Dans mon fort intérieur, je pressens que cette boite va rester un long moment ouverte du fait de la quasi validation de se comportement par une frange des plus médiatiques de notre classe politique.
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D
Oui, je le crains fort aussi....